PHENIX SPORT, l’équipementier responsable par ecofoot.fr (n°69)
Comment avez-vous eu l’idée de vous lancer dans la production d’équipements sportifs en matériaux recyclés ?
Olivier Guigonis : c’est une idée assez ancienne, puisque mes premières recherches sur le sujet datent de 2015. A l’époque, les possibilités de travailler en matière recyclée étaient nouvelles, limitées, et donc forcément assez onéreuses. J’ai plusieurs fois tenté, en vain, de lancer PHENIX SPORT, mais c’est la rencontre avec Paul-Emmanuel GUINARD, et le confinement, qui ont fait basculer les choses. On s’est dit que c’était le bon moment, que le public était mure à ce changement, et on a lancé PHENIX SPORT le 1er juin 2020.
Paul Guinard : De mon côté, je m’étais surtout penché sur le question des chaussures de sport il y a 2-3 ans, alors que j’étais chef de produit pour une marque d’Outdoor. C’est à cette époque que j’ai compris qu’on pouvait produire des bonnes chaussures de randonnée en Europe (Italie, Bulgarie), avec des matières naturelles & recyclés ainsi que des beaux cuirs, pour un prix sensiblement similaire à une production asiatique avec du polyuréthane et avec des minimums de commande à « à taille humaine ». Et puis, je suis venu poser mes valises à Nice où j’ai rapidement rencontré Olivier. On a parlé sport et écologie autour d’un (plusieurs peut-être) bon verre de vin et on a réussi à articuler nos idées pour lancer PHENIX SPORT cette année.
L’empreinte carbone des activités de merchandising d’un club de sport est-elle importante ?
OG : oui énormément. L’industrie du merchandising, comme d’autres, est quasi essentiellement produite en Asie. Outre les conditions de travail que l’on ne peut pas toujours contrôler, les matériaux utilisés sont souvent de mauvaise qualité car de premier prix. Le merchandising obéit à une logique de dumping, de tarif toujours plus bas, ce qui est mécaniquement inversement proportionnel à la maitrise de l’empreinte carbone. Et je ne parle évidemment pas du transport en bateau ou avion depuis l’Asie, même s’il faut souligner que le ferroviaire se développe depuis quelques temps.
PG : Je voudrais ajouter que le textile sportif est un grand consommateur de matières synthétiques, et surtout de polyester – de plastique en fait. Le textile est l’industrie qui pollue le plus notre planète, après l’industrie pétrolière – c’est pour dire l’étendue du problème. Donc, en travaillant avec du polyester réalisé à base de déchets plastiques (bouteilles, packagings) collectés en Europe, on économise 32% de CO2 par rapport à la production de polyester dit vierge. C’est toujours ça de gagner, mais à notre avis, ça ne suffit pas. En effet, les polyester (vierge comme recyclé), libère des fibres de plastiques microscopiques au moment du lavage en machine, jusqu’à 700,000 fibres microplastiques par lavage! (D’après une étude très sérieuse de l’Université de Plymouth, GB). Ainsi, pour aller plus loin dans notre démarche, à la rentrée nous allons offrir avec chaque commande des sacs de lavage qui protègent les vêtements synthétiques et empêchent la libération des microplastiques dans les eaux usées. Nous travaillons sur le sujet avec la marque allemande GuppyFriend qui a justement breveté des sacs magiques !
Au-delà de proposer des tenues en matériaux recyclés, Phenix Sport a également pour ambition de révolutionner le modèle économique des équipements appliqué au sport amateur, via la formule de l’abonnement. Pouvez-vous nous en dire plus sur ce nouveau modèle économique ? En quoi est-ce avantageux pour un club amateur ?
OG : PHENIX SPORT est complètement intégré dans le modèle circulaire (nous sommes d’ailleurs finalistes des Trophées de la Mode Circulaire qui se tiendront à Roubaix mi-octobre), ce qui signifie que nous fabriquons, en Europe, des produits recyclés, que nous recyclerons une fois que la saison sera terminée. Le maillot de sport deviendra un autre produit pour l’utilisation du sport, et ceci dans une boucle fermée.
Le corollaire à cela tient dans le principe de l’économie de la fonctionnalité. On s’intéresse au produit pour son usage, et non pas pour ce qu’il est. On achète un maillot de football pour jouer au football, et non pas parce que ce serait un objet particulièrement qualitatif du point de vue de sa conception ou des matériaux utilisés. Partant de là, les clubs vont payer les équipements selon leur usage tout au long de la saison, par mensualisation, sans qu’il n’y ait un quelconque supplément à régler.
PG : Du point de vue de la trésorerie, c’est également un atout majeur. En effet, les clubs amateurs vivent principalement de subventions et de sponsoring, dont les versements s’effectuent rarement en une seule fois, et qui sont plutôt étalés tout au long de la saison. En payant un montant fixe chaque mois, les clubs gèrent mieux leur trésorerie, et peuvent renouveler les contrats en ayant une vision très claire des dépenses d’équipements, lissés sur chaque saison. On parle donc plus d’une charge mensuelle que d’un investissement annuel.
Il est enfin à noter que le changement de paradigme se situe vraiment ici. N’importe quelle marque peut travailler avec du polyester recyclé, il suffit de l’acheter à son fournisseur. Il n’y a aucune difficulté à cela, et il faut vraiment se méfier du greenwashing de certains ici. Mais intégrer la circularité et le recyclage de ses propres produits, en offrant un modèle économique nouveau et raisonnable, restent la véritable solution « long termiste » qui permettra de réellement changer les choses du point de vue environnemental.
Quelles sont les ambitions de Phenix Sport sur le marché des équipements sportifs ? Certaines disciplines sportives sont-elles davantage à l’écoute que d’autres concernant votre démarche ?
OG : Notre ambition est de conquérir 1% du marché, sur 3 ans, pour chaque sport sur lequel nous travaillons. De nombreuses les disciplines sportives sont intéressées par PHENIX SPORT, nous avons commencé par le football évidemment, mais nous travaillons d’ores et déjà pour des clubs de rugby, handball, volley, basket, running, badminton, squash …
Ce qui fait la différence, c’est la volonté du dirigeant de club d’opter pour une démarché écoresponsable, donc ce n’est pas nécessairement lié à la pratique de tel ou tel sport.
PG : Au niveau du développement produit, on travaille principalement avec du polyester recyclé (rPET) qu’on achète en Espagne. Le polyester est très facile à recycler, car c’est du plastique finalement. On a plusieurs grammages et plusieurs mélanges aussi, plus ou moins épais, plus ou moins flexible. Cela nous permet de travailler avec de nombreux sports en effet. Chose étant, on évite d’ajouter des matières comme l’élasthannes – trop complexe/chimique à recycler – ce qui nous empêche pour le moment de développer certains produits tels que les combinaisons pour la pratique du triathlon ou encore les cuissards pour le vélo, mais on travaille activement sur la question.
Les grands équipementiers et les clubs professionnels commencent également à agir pour limiter leur empreinte carbone. A l’image par exemple de la Section Paloise qui commercialisera en cette saison 2020-21 un maillot réplica 100% vert, conçu en matière plastique recyclée. Votre démarche suscite-t-elle également l’intérêt/la curiosité des clubs professionnels ?
OG : oui tout à fait, nous sommes déjà en discussion avec des clubs professionnels de rugby, de basket, de volley, et de handball, qui souhaitent être équipés en PHENIX SPORT dès la saison 21/22.