PHENIX SPORT dans l’Equipe

Stimulés par l’arrivée de start-up innovantes et éco-responsables, les équipementiers fabriquent à leur tour des tenues plus respectueuses de l’environnement.

 

La crise sanitaire causée par le Covid-19 a, l’air de rien, servi la cause… du plastique. Masques, visières frontales, panneaux de protection, gants… Le plastique, pourtant étiqueté comme nocif pour la santé et l’environnement, a fait sa remontada dans l’espace public en seulement quelques semaines. Dans le football, il est tout aussi présent et pourrait presque faire figure de douzième homme. On le retrouve sous forme de polyester dans les maillots, shorts, chasubles mais aussi les plots, crampons ou sifflets. Exit les matières naturelles comme le coton.

L’équipement de football, tout comme pour les vêtements de la fast fashion, a largement recours à cette matière artificielle miracle (pas chère, infroissable, flexible) depuis près de quarante ans. Dix-huit bouteilles en plastique sont nécessaires pour fabriquer une tenue de football… à multiplier par le nombre de maillots et shorts produits chaque saison. L’addition plastique du ballon rond est donc salée.

« Lorsque les maillots sont en fin de vie, on les récupère, les transforme en fibres pour en fabriquer de nouveaux »

Olivier Guigonis, fondateur de Phenix Sport, première marque de foot écoresponsable

Ce constat pas très éco-friendly a fait réfléchir deux Français travaillant dans l’industrie du sport. Olivier Guigonis et Paul-Emmanuel Guinard ont lancé, le 1er juin, la première marque de foot écoresponsable, Phenix Sport, qui ne propose que des équipements en polyester recyclé. « Cette idée me trotte dans la tête depuis cinq ans, explique Olivier Guigonis (39 ans), ex-consultant en marketing et merchandising pour des clubs français. Le confinement a été un déclic. » Le concept ? Produire des équipements sportifs en matériaux recyclés, issus de bouteilles en plastique usagées. « Et lorsque les maillots sont en fin de vie, on les récupère, les transforme en fibres pour en fabriquer de nouveaux », souligne le cofondateur.

La start-up, basée à Nice, travaille avec un spécialiste du recyclage de polyester en Espagne et le tissage se fait au Portugal. « On propose des pièces au prix du marché (autour de 20 € le maillot, design et flocages compris) et un système d’abonnement au mois, ce qui permet aux clubs d’étaler leurs dépenses. C’est le principe de l’économie circulaire », ajoute Olivier Guigonis. Leur objectif ? Équiper près de 150 clubs affiliés à la Fédération française de football d’ici à trois ans.

« 99,99 % des ballons en France sont importés et soumis à aucune norme douanière lorsqu’ils entrent en Europe »

Simon Mutschler, fondateur de la société Rebond

Les start-up eco-friendly se multiplient. Sillona Sport et son slogan « Le sport par nature » propose des équipements pour sports collectifs et individuels en coton bio ou polyester recyclé. Rebond, lancé en octobre 2019, s’est attaqué au ballon de foot. « 99,99 % des ballons en France sont importés et soumis à aucune norme douanière lorsqu’ils entrent en Europe, souligne Simon Mutschler, fondateur de la société. Ils contiennent des phtalates (composant du plastique considéré comme cancérigène) et des peintures toxiques. On s’est donc décidés à en faire un produit écoresponsable. »

Après avoir imaginé un ballon en matériaux recyclés, il se lance dans la conception d’une balle biosourcée (fabriquée à partir de résidus naturels) et travaille déjà avec des clubs français, comme le FC Nantes, sur la conception de ballons de merchandising. « Aujourd’hui, peu d’équipements de foot sont 100 % écolos, analyse Antoine Miche, président de l’association Football Écologie France. Des start-up comme Phenix ou Rebond sont les disrupteurs du marché, ce qui va générer une compétition positive. »

L’appel des consommateurs

Chez les gros équipementiers, les produits étiquetés « responsables » étaient lancés de manière épisodique, en mode coup de com’. Mais les leaders du marché semblent avoir saisi l’appel des consommateurs, de plus en plus sensibles à l’environnement. Nike a produit ses premiers maillots en polyester recyclé pour ses équipes (Brésil, Portugal, Pays-Bas…) au Mondial de foot, en 2010, en Afrique du Sud. Depuis, la marque a poursuivi cette politique green pour la majorité des tenues de ses équipes professionnelles. Et déclare avoir détourné, ces dix dernières années, plus de sept milliards de bouteilles en plastique des décharges pour les recycler.

Son principal concurrent, Adidas, a proposé, dès 2012, certains maillots (notamment les third) de ses équipes (Real Madrid, Juventus) en polyester recyclé. Cette saison, les tuniques version trois bandes sont fabriquées à 50 % de matières recyclées. La marque se donne encore quatre ans pour arriver à 100 % et espère réduire son empreinte carbone de 30 % en 2030.

« Toute la chaîne de production doit être repensée »

Rémy Valette, responsable marketing de Kappa France

Le Coq Sportif introduit, quant à lui, du coton dans le maillot des Verts de Saint-Étienne et produit en France les tenues des pros, tandis que Puma, qui équipe notamment l’OM et Rennes, s’engage à développer « 90 % des équipements de ses clubs pros en matière recyclée d’ici 2021 », selon Benoît Menard, le directeur marketing France. Decathlon, via sa marque grand public Kipsta, s’active aussi côté éco-conception : depuis cette année, 100 % des produits textile premier prix sont en polyester recyclé.

Les démarches vertes sont bien là, mais il faut du temps (et aussi de l’envie) pour changer en profondeur une industrie. Comme le reconnaît Rémy Valette, responsable marketing de Kappa France : « De notre côté, il est assez simple de produire 1 500 maillots recyclés. Mais nos partenaires actuels ne sont pas en mesure de le faire pour de plus grosses quantités. Toute la chaîne de production doit être repensée avec une mécanique aujourd’hui perfectible. »

Article original ici

L’Equipe, Bérénice MARONIER